Midnight Special

21 mars 2016


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Contenter trois personnalités différentes, ce n'est jamais facile, cinématographiquement.
Réunir nos trois attentes n'étant pas possible, nous nous sommes tant bien que mal mis d'accord sur la séance de 20h pour Midnight Special. Dans les rangs de l'équipe, trois profils bien définis :  le blasé des histoires prévisibles, celui qui ne s'épanouissait qu'à la lueur des blockbusters et du fantastique, et celle qui cherchait les belles images, les traités narratifs intéressants et les trames originales.

Autant te dire que c'est plutôt la fille du groupe (au hasard, moi) qui a complètement accroché avec Midnight Special.


Le pitch : Alton est un enfant différent. Les expériences cosmiques et paranormales se multiplient à son contact. Il y a ceux qui le déifient et ceux pour qui il représente une menace : tous le traqueront jusqu'à la fin. S'en suit une chasse à l'homme aux prises de laquelle les enjeux sont de taille. C'est le père qui est aux commandes. Le père, qui fait les choix. Entre péripéties, gouvernement fédéral et mysticisme, Midnight Special c'est d'abord une histoire d'amour filial, sur fond de thriller / road movie où le mythe de l'alien est clairement de la partie. 

Le film s'ouvre dans une maison sombre. La tension est palpable entre deux hommes. L'inquiétude aussi. C'est la nuit. Ils se préparent à partir. Et sur le lit, il y a cet enfant, avec des lunettes de piscine et un casque de chantier, en train de lire un comics à la lampe torche.
Le malaise est immédiat. Ils montent dans une voiture. La musique est oppressante, les personnages sont tous anxieux. On les devine recherchés par la police. Le conducteur éteint les phares. Et passe à la vitesse supérieure.

On comprend rapidement que le film sera de cet acabi, tout le long. Et on sait qu'il dure plus d'1h50.

Personnellement, j'ai passé un moment sublime. Midnight Special m'a complètement conquise et impressionnée.

Le rythme est lent, contemplatif. Il n'est pas traité comme un film d'action. J'ai particulièrement aimé ce contraste entre le thème, digne d'un blockbuster hollywoodien, et la mise en scène propre à l'indépendance d'un film d'auteur.

J'ai adoré le traité narratif. Pavé d'ellipses.
On apprend les éléments de l'histoire au détour d'une conversation, d'un événement. Comme un puzzle dont on a pas tout de suite les pièces en main.
Au bout d'une heure de film, on ne comprend toujours pas grand chose.  Et c'est savoureux. Pourquoi Alton a-t-il ce genre de pouvoirs ? Ils lui servent à quoi, au juste ? Et puis d'abord qu'est-ce qu'ils veulent, les mormons ?

Les personnages sont très bien travaillés. La force sans faille du père, l'incroyable loyauté du meilleur ami retrouvé, la fragilité de la mère, la maladresse et l'ingénue curiosité du spécialiste mandaté par la NSA. Et bien entendu l'enfant, innocent, attachant, parfois même un peu effrayant, dans son habit d'adulte. Les questionnements officient à l'échelle de chaque personnage.

Le casting est à la hauteur des ambitions du film. Entre le duo Michael Shannon et Joel Edgerton qui fonctionne bien et la nébuleuse Kirsten Dunst, toujours un peu encline à faire tirer ses rôles vers le sombre et le fantastique (Melancholia, Virgin Suicides, Two faces of January, Upside Down). Evidemment, la plus impressionante performance reste celle de Jaeden Liebeher qui brille de talent dans son interprétation d'enfant aux pouvoirs surnaturels. Et la crise de fou rire est assurée une fois que tu as reconnu Kilo Ren dans le rôle du spécialiste de la NSA.

Midnight Special c'est aussi un film sur la foi et sur la confiance. Dès son plus jeune âge Alton est élevé "au Ranch", chez les mormons, au sein d'une secte resserrée façon pilgrim fathers comme seuls les américains sont capables d'en pondre. Ces derniers voient en lui le nouveau messie, et ne reculeront devant rien pour le garder. Frissons pour les plans de nuit, où la police fédérale vient faire irruption pendant la messe, frissons pour l'existence dépeinte de cette communauté qui fait froid dans le dos. Pour parvenir au dénouement c'est à l'enfant que l'adulte devra faire confiance, et pas tellement l'inverse.

J'ai trouvé la mise en scène assez parfaite.
La tension est palpable tout au long du film. Tour de force scénaristique : toute l'histoire tourne autour d'un but, d'une date et d'un lieu, dont on a toujours pas la moindre idée de la teneur à dix minutes de la fin du film. Rythmé d'actions étranges, on nous tient en haleine comme on nous déconcerte. Big up pour l'ambiance à couper au rasoir de la scène de course poursuite en voiture dans les embouteillages.

J'ai aimé le choix de ne pas trop s'attarder sur les pouvoirs de l'enfant. On sait qu'il en a. On ne comprend pas trop ce qu'il peut faire avec. Ce qu'il se passe exactement, lorsqu'il les utilise. L'histoire ne cherche pas à s'appesantir sur cet aspect-là. Et c'est intéressant, très intéressant.

J'ai personnellement adoré le dosage d'effet spéciaux. Ils ne sont là que pour étayer le propos. Pas de rayons qui buzzent à outrance. Pas de surenchère à grand spectacle. Parce que ce n'est pas sur ça que le réalisateur a appuyé son film. Il l'a posé sur la relation parentale.

C'est de ce lien dont il est réellement question tout au long du film. Ses forces, ses fragilités, ses limites, ses répondants, ses ambivalences.

Quant au dénouement... Je dirais qu'il a su me saisir. L'idée est fascinante, les images sont magnifiques, inoubliables.

La trame se contentera de soulever une infinité de questions, sans y répondre, pour la plupart. Ce qui peut s'avérer frustrant. Surtout pour la dernière scène, très (trop) subtile.

Visuellement, on sent des influences très clairement années 80 façon E.T, et Rencontre du troisième type, dans la veine également de Signes et de Super 8. Remarquons entre autres que c'est toujours dans les champs de blé ou les champs de maïs du fin fond de l'Illinois que se passe le coeur de l'action alien.

On dit du réalisateur, Jeff Nichols, qu'il est le nouveau Spielberg.
Qu'avec Midnight special, la S-F se réinvente.
Et je dirais que je me range du côté des critiques ciné.

Midnight Special c'est donc un film sur l'abandon, sur la foi. Une réflexion sur le lien familial.

J'ai été happé à 100% par ce film (de quand même 1h50) au rythme pourtant lent et contemplatif. Original, fin, intelligent, sensible, intriguant, très prenant, ses qualités sont nombreuses. Loin des habituels schémas hollywoodiens, il s'en dégage une forme de fraicheur des plus agréables et le charme opère, indubitablement.
A voir absolument pour une véritable leçon de cinema.

Attention cependant à quelques longueurs difficilement supportables si tu avais en tête d'aller voir un film d'action.

Prochaine étape : s'intéresser à Mud et Take Shelter de Jeff Nichols.


Bonus  la carte des lieux où l'on voit le plus fréquemment des ovnis aux US : ici 

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